La Part du Gâteau, Deborah Bowmann

Deborah Bowmann

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Fondé en 2014 par les artistes Amaury Daurel et Victor Delestre, Deborah Bowmann est une identité hybride dont une des principales aspirations est de repenser la figure de l’artiste, en proposant un système d’échange entre une identité artistique et un espace d’exposition. Développant une narration autour d’une galeriste fictionnelle, il s’agit pour les artistes d’agir comme employés et représentants de cette firme imaginaire, proposant de facto un modèle de l’artiste en tant que travailleur. Travaillant sous le nom de Deborah Bowmann Studio et commissionnant des expositions sous le nom de Deborah Bowmann Bruxelles, l’idée pour ce duo est de penser une articulation entre une pratique d’atelier et une pratique curatoriale en étroite relation. La nébuleuse Deborah Bowmann consiste en la fusion des espaces et des esthétiques propres à la galerie d’art et à la grande distribution, en la réunion des liens tacites existants entre le monde de l’art et celui du commerce. Les deux artistes procèdent à des gestes d’appropriations et de distorsions des codes propres à ces deux espaces.

La Part du Gâteau

« La part du gâteau » indique ce que l’on estime avoir droit pour sa contribution à un projet – la part d’un gain, d’un profit ou d’un bénéfice que l’on considère normal de partager.

De l’univers commercial vers l’univers pâtissier, l’exposition La Part du Gâteau peut être lue comme la transposition d’un sens figuré à un sens littéral ; mais aussi comme la cohabitation de ces deux univers. D’une manière métaphorique, le monde du business et celui de la gourmandise se révèlent alors partager plus de points communs que l’on pourrait s’y attendre. Telle une fable productiviste, capitaliste et gourmande (non sans rappeler le conte d’Hansel et Gretel) deux mannequins de taille enfant semblent en être les protagonistes et suggèrent l’idée d’une narration ouverte et en devenir.

Ces personnages – tout comme l’expression « la part du gâteau » – formulent à leurs manières un point d’union entre la figure de l’enfant et celle de l’homme d’affaire. Forme de spectres des deux artistes du duo Deborah Bowmann, nous ne savons dire si ces figures se posent en tant que celles de producteurs ou de destructeurs. Quoiqu’il en soit, il y est question d’excès, de débordement, de crise de foie, et d’un trop-plein de consommation en général.

De nombreux rapports ambigus imprègnent alors l’exposition. Le rapport à la gourmandise lui-même par exemple – car si notre quatrième sens est convoqué et mis en appétit, il intervient au beau milieu des matériaux les plus toxiques utilisés dans la construction de nos jours ; mais aussi le rapport à la légèreté – car si l’univers est a priori charmant et enfantin, il y est question d’inquiétantes présences fantomatiques, de formes grossières et dégoulinantes, et finalement d’un petit théâtre enrobé d’un ton grinçant.

En finissant de visser, le tire-fond ramena les deux extrémités des plaques de MDF* l’une sur l’autre afin de former un angle à 90 degrés, le surplus de colle à bois déposée préalablement sur la tranche de la plaque inférieure se mit à couler le long de la paroi tel un glaçage. Aux endroits où la colle était abondante, des gouttes se formèrent et glissèrent lentement avec onctuosité sur le biscuit marron du MDF brut. Une étincelle de gourmandise traversa leur regard qui à cet instant précis se croisèrent.

*Un panneau de fibres à densité moyenne ou MDF (pour medium density fiberboard, l’appellation anglophone) est un panneau de fibres de bois à moyenne densité, inventé par hasard aux Etats-Unis en 1966 (avec des masses volumiques variables: 800 kg/m² pour le HDF, 750 kg/m² pour le MDF, 600 kg/m² pour le light MDF), par opposition aux panneaux de fibres de bois durs (type Isorel ou Unalit) dont la densité est élevée (de l’ordre de 1 000 kg/m²). Egalement connu sous la dénomination de medium (nom commercial du produit utilisé par la société Isoroy), ce panneau issu d’un procédé industriel
continu, est constitué de fibres de bois et d’un liant synthétique à base de résine urée-formol que l’on soumet à des contraintes de température et de pression. Du fait qu’il pourrait être cancérigène, il est de moins en moins utilisé dans la construction.

Deborah Bowmann ont conçu leur travail autour d’une sculpture de galerie où ils exercent leur art en costume trois pièces. La Part du Gâteau se conçoit comme une extension de leur galerie ainsi qu’en allégorie baroque et grotesque d’un système marchant alléchant mais toxique.

Christine Tüur & Romain Juan
Dans le cadre du Voyage à Nantes 2019

Vernissage